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«Oui à la solidarité et non à l’austérité»
Pierre Moscovici le 27 août 2011 à La Rochelle (Photo Jean-Pierre Muller. AFP)
INTERVIEWPierre Moscovici, directeur de la campagne socialiste :
Député du Doubs, Pierre Moscovici est le directeur de campagne de François Hollande. Il revient sur l’abstention socialiste, hier à l’Assemblée, lors du vote sur le Mécanisme européen de stabilité (MES).
Pourquoi avez-vous choisi de vous abstenir ?
Par ce vote, nous disons oui à la solidarité et non à l’austérité. Tout d’abord, le MES est indispensable pour stabiliser la zone euro et garantir une aide financière à tout Etat membre en difficulté. Il représente un progrès par rapport au Fonds de solidarité financière, qui avait été bricolé dans l’urgence et l’improvisation. Le MES est plus réactif et ne va pas exiger, pour chaque décision, des jours et des nuits de palabres entre dirigeants. Et il est permanent. Dès lors, il était difficilement concevable que les socialistes disent non au MES.
Pourquoi ne pas l’approuver, alors ?
Il comporte de sérieuses insuffisances. Sur le plan technique, le MES devrait pouvoir disposer du statut d’une banque et par conséquent être financé par la Banque centrale européenne (BCE). Mais l’Allemagne a refusé cette proposition, un temps avancée par la France. Cela limite considérablement sa capacité d’action. Le MES est un pare-feu qui n’a pas encore la taille, la souplesse et la vitesse d’action nécessaires. De plus, tel qu’il est conçu, le MES est lié au traité d’union budgétaire, ou plutôt d’austérité, dont François Hollande a dit qu’il voulait la renégociation. Ce lien, affirmé à la fois dans le traité sur le MES et le traité budgétaire, nous ne pouvons pas l’accepter. En votant le MES sans réserve, nous entrerions dans un engrenage qui pourrait laisser croire que nous consentons, d’une façon ou d’une autre, au traité d’union budgétaire, qui n’est pas un bon traité.
Daniel Cohn-Bendit a dénoncé, dans Libération, une hypocrisie de la gauche : voter pour le MES permettrait d’imposer à Angela Merkel un volet croissance au traité budgétaire…
Je ne suis pas d’accord avec Daniel Cohn-Bendit. Si nous avions voté sans réserve pour le MES, nous aurions affaibli notre crédibilité vis-à-vis d’Angela Merkel. C’est maintenant que nous devons affirmer notre volonté de renégocier ce traité, qui réduit l’Europe à l’austérité, qui ne prévoit aucune véritable progression en termes de gouvernance et, surtout, qui n’introduit aucune politique de croissance. Or, sans croissance, on entre dans un cercle vicieux : l’endettement génère des plans de rigueur sans fin qui finissent par affecter la croissance. C’est ainsi que la Grèce est entrée dans une situation socialement inacceptable et économiquement terrible. L’Europe se condamne à la récession si elle entre dans ce type de logique. Elle doit être un moteur de croissance, à travers la Banque européenne d’investissement, à travers des euro-obligations tournées vers des projets d’investissement, ou à travers des grands travaux. C’est une abstention de réorientation, qui n’empêche pas pour autant le MES de se mettre en place.
Cette abstention n’est-elle pas une façon de ne pas raviver les clivages sur la question du traité européen de 2005?
Notre abstention est un choix stratégique. Elle a aussi une vertu de rassemblement. Ce n’est pas un défaut dans une famille politique qui s’est divisée sur cette question que de se réunir.
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