Une audience criminelle, ou une expertise psychiatrique? Une cour d'assises, ou une annexe de Sainte-Anne? Deux accusés un peu dérangés, ou deux malades mentaux incurables égarés dans le box? Le procès de Stéphane Moitoiret et Noëlla Hego, qui répondent respectivement de
l'assassinat d'un enfant de 11 ans et de complicité, s'ouvre ce matin pour deux semaines à Bourg-en-Bresse. Les débats devraient se dérouler dans une atmosphère singulièrement oppressante, en raison de la personnalité très inquiétante du couple jugé.
Valentin a été retrouvé couvert de sang dans une rue de Lagnieu (Ain) en pleine nuit, le 29 juillet 2008. La sauvagerie de l'agression laisse d'abord envisager qu'il ait été attaqué par un animal. Puis un examen approfondi permet de relever 44 plaies occasionnées par un couteau. Le carnage n'est donc pas celui d'une bête, c'est encore pire.
Assez vite,
l'enquête s'oriente vers un couple de routards, aperçu dans la région et contrôlé peu avant le drame par les gendarmes. Ceux-ci avaient été intrigués par leur comportement. Notamment quand la femme s'est présentée à eux comme «princesse des esprits divins». Ils sont arrêtés le 3 août en Ardèche et placés en garde à vue. Stéphane Moitoiret, 39 ans à l'époque, explique, si l'on peut dire, évoquant sa compagne, qu'il est «seul avec Sa Majesté pour faire des circuits de missions divines pour débloquer les accords de finances internationaux». Lui-même porte le titre de «roi d'Australie et général major de la légion française en boîte à vœux»; il vénère «Sa Majesté» car elle peut «faire des formules pour payer les erreurs à travers le jidamagic».
Noëlla Hego, qui a dix ans de plus que son «secrétaire», se comporte tout naturellement comme si elle était une majesté. L'ADN confirme la présence de M. Moitoiret sur la scène de crime, lequel accuse un «sosie charnel» et déplore le massacre de Lagnieu. Mme Hego révèle que «des clones se font passer» pour eux. En langage profane, on serait tenté d'appeler ces gens des fous. Selon Mme Hego, le couple se querellait et son compagnon a jugé opportun de «provoquer un retour en arrière» pour rentrer dans les bonnes grâces de «Sa Majesté». Ce qui signifie, dans leur sabir ésotérique, qu'il s'est mis en tête de commettre un meurtre. Ce sera Valentin, qui n'avait pour tort que d'avoir 11 ans, d'être insouciant, et de faire du vélo une nuit d'orage, dans un village de l'Ain.
«Altération» du discernement
Quatre collèges d'experts psychiatres se sont penchés sur le couple Moitoiret-Hego. Dix praticiens au total dont plusieurs de renom, parmi lesquels certains méritent leur réputation -le Dr Daniel Zagury en tête. L'un des collèges a éclaté, le Dr Paul Bensussan se désolidarisant avec fracas de ses confrères, lesquels penchaient -comme d'autres- pour une simple «altération» du discernement de M. Moitoiret, alors que lui, comme le Dr Zagury et d'autres, diagnostique une «abolition» synonyme d'internement et non d'audience criminelle. À noter que les psychiatres ne distribuent pas les abolitions du discernement comme des petits pains, sans quoi les Fourniret, Alègre et autres tueurs en série (tous expertisés par le Dr Zagury) n'auraient jamais comparu devant des cours d'assises.
Deux semaines, donc, pour dire si l'assassin présumé et sa complice supposée sont fous à lier ou assez sains d'esprit pour comprendre leur procès. Si un homme qui, sans raison, tue un enfant de 44 coups de couteau mais se montre capable de ne pas l'avouer alors que sa signature génétique le trahit est un aliéné patenté ou juste un gros menteur qui n'a pas envie de finir ses jours en prison. Devant l'horreur du crime, bien sûr, les parties civiles ne supporteraient pas d'entendre que les accusés sont pénalement irresponsables. Mais la cour et les jurés, en vertu de l'article 706-130 du Code de procédure pénale, peuvent leur répondre qu'ils sont coupables, mais pas incarcérables. Ils encourent la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une période de sûreté de trente ans. Ou la camisole à vie. La peine qui apaise existe-t-elle?
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