Grâce à la Hadopi, les ventes de musique en ligne explosent en France : c'est le message que martèle, depuis lundi 23 janvier et la publication de son rapport annuel (pdf), la puissante Fédération internationale de l'industrie phonographique (IFPI). Parmi des résultats européens globalement meilleurs que les années précédentes, la France sort en effet du lot : d'après une étude réalisée par des universitaires américains, se basant sur les ventes d'albums et de morceaux sur iTunes des quatre principales maisons de disques, les ventes ont augmenté partout, mais nettement plus en France : entre 22,5 et 25 % de mieux que dans les pays voisins.
"Cette étude confirme la tendance, déjà soulignée dans les études barométriques publiées par l'Hadopi, d'un changement des usages des internautes vers des pratiques licites", s'est félicité la Haute Autorité dans un communiqué publié lundi.
Comment les chercheurs américains sont-ils parvenus à cette conclusion, sur la base de laquelle ils estiment que le passage de la loi Hadopi a permis aux maisons de disque d'encaisser 13,8 millions d'euros de chiffre d'affaires supplémentaires l'an dernier ? L'équipe a eu accès aux chiffres de vente sur iTunes des quatre grandes majors, et a comparé l'évolution des ventes avec le "degré d'information" des internautes concernant la Hadopi, en se basant sur les recherches Google effectuées en France. Enfin, ils ont calculé les ventes moyennes effectuées dans un groupe de pays témoins : France, Belgique, Royaume-Uni, Italie, Espagne, Allemagne :
Les chercheurs notent que, comparées aux autres pays européens, les ventes sur iTunes augmentent nettement à partir du premier vote de la loi Hadopi. "Avant cette date, les tendances de vente en France suivent clairement celles du groupe de contrôle", constate l'étude, qui relève deux autres pics de recherches sur Google, liés à la validation de la deuxième version de la loi par le Conseil constitutionnel et à l'envoi des premiers avertissements par la Haute Autorité.
CORRÉLATION NON DÉMONTRÉE
Seul problème : si l'étude suggère qu'il existe une corrélation entre l'accroissement des ventes sur iTunes et la mise en place de la Hadopi, elle ne la prouve pas. D'autres facteurs peuvent expliquer la place spécifique de la France dans le marché de la musique en ligne, à commencer par le terrain d'observation choisi : iTunes. La France est en effet leader européen des ventes d'iPhone, dont l'utilisation nécessite d'installer le logiciel d'Apple – et constitue donc une forte incitation à acheter légalement des morceaux par ce biais.
En se basant sur le modèle utilisé par l'étude, le Monde.fr a rebâti les graphiques utilisés par les chercheurs en se basant non pas sur les recherches sur "Hadopi", mais sur les recherches "iPhone".
La comparaison montre que les pics d'achat sur iTunes correspondent mécaniquement aux lancements de nouvelles versions du téléphone d'Apple, ainsi qu'aux périodes des fêtes de fin d'année – moment où il se vend le plus de téléphones mobiles. Surtout, la comparaison avec les recherches "iPhone" effectuées dans le même groupe témoin de pays montre que l'écart des ventes sur iTunes suit les mêmes tendance que l'écart sur les recherches "iPhone" ; la comparaison tendrait donc à montrer que si les Français achètent plus sur iTunes, c'est surtout parce qu'ils s'intéressent davantage aux terminaux iPhone que leurs voisins, et en achètent davantage.
Enfin, l'évolution des recherches montre que l'iPhone est, pour les internautes français, un sujet nettement plus demandé que la mise en place de la Hadopi, et ce durant toute la période observée.
GENRES PLUS PIRATÉS
Pour confirmer leurs premières observations, les auteurs de l'étude notent que la croissance des ventes iTunes a été plus forte pour les genres considérés comme plus souvent téléchargés illégalement, comme le hip hop, et nettement plus faible pour le jazz ou la musique classique. Les chercheurs y voient une confirmation d'un transfert vers l'offre légale, mais cette distinction par genre musical peut également s'expliquer par d'autres facteurs – par exemple, la démocratisation de l'iPhone pourrait entraîner des achats plus importants de la part d'utilisateurs en moyenne plus jeunes, et donc statistiquement plus enclins à écouter du hip hop que de la musique classique.
Faut-il pour autant nier un "impact pédagogique" lié à la mise en place de la Hadopi ? L'effet existe indéniablement, mais il est en revanche extrêmement difficile de lequantifier. Les chiffres publiés par l'IFPI démontrent surtout qu'au-delà de la "peur du gendarme", le développement d'une offre légale simple d'utilisation est l'un des axes majeurs de l'augmentation des revenus de la musique.
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